sam. Juil 27th, 2024

Travail à la pièce (1,25 euro par tige de chaussure), main-d’œuvre illégale ou non déclarée qui dort et mange dans les mêmes ateliers que ceux où elle travaille, dans des niches faites de cloisons en placoplâtre, au contact de substances chimiques et dans des environnements insalubres. Et encore, des machines dont les dispositifs de sécurité sont éteints pour accélérer la production (un accident mortel a été enregistré au cours de l’enquête), des pics de consommation d’énergie enregistrés la nuit ou pendant les vacances (pour éviter les contrôles), la violation des obligations fiscales et d’assurance.

Derrière les paillettes des entreprises de la mode de luxe se cache une réalité d’exploitation qui s’appuie sur le monde souterrain des usines chinoises (qui recrutent à leur tour de la main-d’œuvre en Chine ou au Bangladesh) pour réduire les coûts et maximiser les profits en contournant le droit du travail. Ainsi, un sac fabriqué dans un atelier chinois pour 20 euros sera vendu en boutique pour 350, après être passé par une autre entreprise sous-traitante qui le facturera à 50.

Alviero Martini spa, une marque de haute couture au chiffre d’affaires de 50 millions, employant 96 salariés, détenue par la société Finai de Luisa Angelini, s’est retrouvée sous administration judiciaire. La société n’est pas mise en examen, ni ses dirigeants, car elle n’a pas organisé le système de sous-traitance. Toutefois, selon le décret de la section des mesures de prévention du tribunal de Milan, « chez Alviero Martini spa, il existe une culture d’entreprise gravement déficiente en termes de contrôle, même minime, de la chaîne de production à laquelle l’entreprise a recours… Au cours de l’enquête, une pratique tellement enracinée et éprouvée a été révélée qu’elle peut être considérée comme faisant partie d’une politique d’entreprise plus large visant à accroître les affaires. Le comportement faisant l’objet de l’enquête ne semble pas être le résultat d’initiatives extemporanées et isolées d’individus, mais d’une politique commerciale illicite ».

Le procureur Paolo Storari, responsable de l’enquête menée par les carabiniers de l’unité d’inspection du travail (dirigée par le colonel Loris Baldassarre) sur le travail forcé dans les usines chinoises, parle de « découplage, littéralement découplage organisationnel, en vertu duquel, parallèlement à la structure formelle de l’organisation, visant à respecter les règles institutionnelles, une autre structure informelle est développée, visant à suivre les règles de l’efficacité et des résultats. De cette manière, la violation systématique et constante des règles génère la normalisation de la déviance, dans un contexte où les irrégularités et les pratiques illégales sont acceptées et, d’une certaine manière, encouragées ».

Le fait que l’entreprise, qui sous-traite à 100 % toute sa ligne de mode, ne se soit pas dotée de modèles d’organisation capables de prévenir (conformément à la loi 231 de 2001) la commission de délits dans l’intérêt de l’entreprise, qu’elle se soit souvent contentée de la déclaration formelle des contractants officiels de ne pas sous-traiter à des tiers sans autorisation, a eu pour effet, pour les magistrats milanais, de faciliter de manière coupable la commission du délit de « caporalato » par les ateliers clandestins auxquels l’entreprise contractante (le maillon intermédiaire) s’adresse. Chez l’un des fournisseurs de la maison de couture célèbre pour ses sacs à cartes, le Crocolux de Trezzano sul Naviglio, « fasonista (qui fabrique des vêtements), également pour des marques plus célèbres de Martini lui-même », Ruman Abdul, 26 ans, marié depuis trois mois, est décédé le 24 mai. Il était arrivé en Italie en 2014 en provenance du Bangladesh, en compagnie de ses parents, de deux frères et d’une sœur. Ruman Abdul s’était présenté à son premier jour de travail ce matin-là (appelé par message chat la veille) et est mort écrasé sous une machine d’emballage le matin même.

Dès le départ, « la société, lit-on dans l’arrêt de la Cour, afin de camoufler le statut réel de travailleur non déclaré du défunt, a envoyé le modèle de recrutement télématique à l’agence pour l’emploi et aux organismes de cotisation et d’assurance Inps et Inail le matin même du 25 mai, immédiatement après l’accident ». En ce qui concerne cette entreprise, « le directeur des produits de Martini a déclaré qu’il n’avait procédé à aucune vérification documentaire sur la capacité organisationnelle[…]l’entreprise n’a pas vérifié la main-d’œuvre, la certification des machines, la capacité entrepreneuriale réelle de Crocolux », dont la ligne de produits qui lui avait été confiée par Martini était en réalité produite par des tiers : le laboratoire « de Liao Xiangju, avec des environnements de travail très dégradés et des conditions de travail en deçà du minimum éthique ».

Les carabiniers ont documenté les conditions d’exploitation à la fois avec les inspections qui ont « libéré » au moins 37 travailleurs irréguliers dans les niches où ils étaient obligés de travailler, et auparavant avec l’analyse de l’absorption électrique.

L’entreprise sous administration judiciaire a publié une note dans laquelle elle explique que « si des activités illicites menées par des tiers apparaissent, introduites à l’insu de l’entreprise dans la chaîne de production, absolument contraires aux valeurs de l’entreprise, Alviero Martini se réserve le droit d’intervenir par les moyens et les forums les plus appropriés, afin de protéger les travailleurs en premier lieu et l’entreprise elle-même ». L’entreprise ajoute « qu’elle s’est rapidement mise à la disposition des autorités compétentes, puisque ni l’entreprise ni ses représentants ne font l’objet d’une enquête, afin de garantir et de mettre en œuvre, de la part de tous ses fournisseurs, le respect des réglementations en matière de protection du travail. Toutes les relations d’approvisionnement de l’entreprise sont régies par un code d’éthique précis pour la protection du travail et des travailleurs, auquel chaque fournisseur est tenu de se conformer.

By Nermond

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