ven. Juil 26th, 2024

 Le Parlement, le pouvoir judiciaire et la place publique. Tels sont les trois champs de bataille sur lesquels Javier Milei se battra dans les semaines et les mois à venir pour « mettre fin à une longue et triste histoire de décadence et de déclin et entamer le voyage de reconstruction de notre pays », comme il l’a déclaré après avoir reçu l’écharpe présidentielle, le 10 décembre. Et l’affrontement s’annonce rude.

Le nouvel occupant de la Casa Rosada sait que le facteur temps joue contre lui. L’euphorie de la victoire la plus régulière en quarante ans de démocratie – 56% – risque d’être rapidement anéantie par la hausse record de l’inflation et les coupes dans l’Etat-providence.

Dans deux mois, l’Argentine entrera dans l’hiver austral et, avec la suppression des subventions, les prix du diesel et de l’électricité exploseront. Avec le mécontentement. Le leader de l’ultra-droite a donc décidé d’accélérer les choses en faisant passer deux mesures « révolutionnaires » dans la semaine précédant Noël. Le 20 décembre, le « decretazo », un maxi-décret de plus de trois cents réformes visant à soustraire l’économie nationale « à l’esclavage de l’État », selon ses propres termes, a été adopté.

Le mercredi soir, le chef du gouvernement a envoyé à la Chambre ou au Congrès une un projet de loi de près de 700 articles qui modifie radicalement la structure politique et sociale de la République de Plata .

Le « ley omnibus « , comme elle a été rebaptisée, proclame l’état d’urgence jusqu’en 2025 et transfère un certain nombre de compétences clés du législatif à l’exécutif dans les domaines économique, financier, de la sécurité sociale, de la fiscalité, de la santé et même des élections. Elle durcit notamment les sanctions contre les protestations sociales, punissant jusqu’à six ans de prison les organisateurs de manifestations qui entravent la libre circulation ou la fourniture de services publics.

La traduction dans la loi, en pratique, du « décret de sécurité » de la ministre Patricia Bullrich. La cible est évidemment les « piquetes », ces barrages routiers qui, depuis la débâcle de 2001, font partie du paysage urbain effervescent de l’Argentine et sont synonymes de manifestation populaire. Milei a donc affûté ses armes et déployé ses troupes.

La bataille à trois commence. Le « front du Congrès » est le plus urgent. Fermé pour la pause estivale et les vacances de Noël, le Parlement devra décider, en session extraordinaire, s’il rejette le « decretazo », une procédure qui, selon le règlement de 1994, n’est possible qu’avec le double non explicite de la Chambre et du Sénat. Puis, toujours en session extraordinaire, en janvier, il devra se prononcer sur la « ley omnibus ». Et les chances qu’il l’accepte sont faibles.

Le président est fortement minoritaire dans les deux branches parlementaires. Son parti, « La libertad avanza », compte 38 députés sur 257 et huit sénateurs sur 72. Avec une opposition péroniste réunie par l’anti-militarisme, la seule chance est de convaincre le centre-droit et sa centaine de représentants au Congrès, divisés sur l’alliance avec le président anarcho-capitaliste.

Même s’il y parvient, il devra ensuite franchir l’obstacle du pouvoir judiciaire. Le « decretazo » fait déjà l’objet d’une multitude de requêtes judiciaires pour incompatibilité avec la Constitution. Différents juristes argumentent les motifs des objections. Le président ne peut légiférer que dans des conditions de nécessité et d’urgence, qui ne semblent pas exister. La « ley omnibus », si elle est adoptée, ne semble pas moins controversée sur le plan constitutionnel.

Enfin, il y a le « facteur carré ». Les syndicats – d’obédience incontestablement péroniste – sont en première ligne. En l’espace d’une semaine, les puissantes Confederación general del trabajo (CGT) et Confederación de trabajadores de la Argentina (Cta) ont organisé deux maxi-manifestations à Buenos Aires. Lors de la seconde, mercredi soir, sur la place centrale Lavalle, 20 000 personnes étaient présentes. Sous la pression des mouvements populaires – représentant 70% de la population active exclue de l’économie formelle – la CGT a décrété une grève nationale le 24 janvier, la première depuis cinq ans.

Le gouvernement s’est déjà dit prêt à répondre d’une main de fer. Le leader qui a choisi la tronçonneuse comme symbole sait cependant que la force ne suffit pas. D’où l’intention d’endormir l’opinion publique avec des mesures populistes à la Zapatero, comme le « divorce express », introduit parmi les quelque 700 règlements de la « ley omnibus ». Ainsi que l’intensification de la propagande sur les réseaux sociaux visant les groupes ayant moins de ressources. Ces mesures sont la dernière pilule amère », répète Milei, pour que la liberté progresse. Mais on ne sait pas quel goût elle aura.

By Nermond

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *