sam. Juil 27th, 2024

Une ville s’arrête, ce samedi matin 25 novembre, pour repenser son histoire récente. Elle le fait grâce à la sortie, aujourd’hui à Vicence, d’un film, « Cent dimanches », interprété et réalisé par Antonio Albanese. Sur grand écran, le drame provoqué par l’effondrement des banques de Vénétie en 2015 sera raconté. La projection principale, à laquelle assisteront l’évêque de Vicence, Giuliano Brugnotto, et Antonio Albanese lui-même, aura lieu à 10h30 au Cinéma Patronato Leone XIII, Contrà Vittorio Veneto 1 : 400 places ont été mises à la disposition du public. Un débat avec les citoyens suivra la projection.

Un film dramatique de huit ans. La faillite de la Banca Popolare di Vicenza et de la Veneto Banca reste une plaie ouverte dans une région qui a fait du travail et du profit une sorte de religion « laïque », au point de souffrir, comme dans ce cas, d’excès et de contradictions. « Certaines personnes ont perdu leur travail, d’autres leurs économies, d’autres encore leur vie à cause de cette faillite », observe Mgr Giuliano Brugnotto, originaire de Trévise, à la tête du diocèse depuis un an.

Aujourd’hui, l’engagement commun de l’Église locale et de la société civile mise à genoux par cet événement se concrétise dans un cinéma de la ville, où sera présenté le dernier film d’Antonio Albanese, « Cento domeniche », librement inspiré de ces événements. Un récit de cette saison trop vite oubliée par le reste du pays, et qui a pourtant laissé de lourdes cicatrices dans ce coin du Nord-Est. « C’est l’occasion de renouer un fil, heureusement jamais rompu, entre les réalités ecclésiales, associatives et territoriales », explique l’évêque, « quand la culture parvient à raconter la vie, même dans ses aspects les plus difficiles, alors il est possible de recomprendre et en partie de revivre les événements vécus par une humanité durement touchée par cette trahison. Ici, personne n’a oublié ce qui s’est passé ».

Monseigneur Brugnotto, qu’est-ce qui a le plus marqué la vie de la communauté ? 

Sans aucun doute, la rupture de confiance. La faillite de deux banques considérées comme fondamentales pour notre région s’est produite dans un contexte économique marqué par de nombreuses entreprises familiales, impliquant des personnes, des familles et des entreprises. Les conséquences ont été inimaginables, précisément parce que la confiance a été rompue : la banque est une institution privée qui traite avec le public, mais tout le monde n’est pas en mesure d’évaluer la santé d’un établissement de crédit ou la valeur d’un titre… au lieu de cela, on a profité de la bonne foi de milliers d’épargnants, et les principes de loyauté, d’honnêteté et de coopération ont été violés.

L’image du Nord-Est a été partiellement compromise. 

C’est une plaie ouverte, dans une région très industrieuse, où il faut toutefois préciser qu’il y a aussi eu une chasse à la richesse facile. Pendant longtemps, il a été possible de gagner de l’argent sans regarder personne en face. Un sérieux examen de conscience s’impose, car trop de gens ont mené un train de vie au-dessus de leurs moyens.

Pourquoi avez-vous décidé, en tant que diocèse, d’écouter la voix des associations d’épargnants ? 

Parce que ces associations ont eu le mérite de réveiller la conscience civile de la région. Il y a une prise de conscience à mûrir sur le sujet, comme le pape François nous l’a demandé dans Laudato Si’, et la tâche des communautés chrétiennes est aussi d’évaluer l’utilisation de leur propre argent par rapport aux conditions fixées par une banque. C’est pourquoi il nous est demandé d’être très vigilants, en faisant des choix qui suivent des critères éthiques.

Comment évaluez-vous la réponse des institutions ? 

Une réponse minimale a été apportée, mais nous vivons des jours décisifs pour le décaissement des fonds supplémentaires à distribuer aux épargnants escroqués. La date limite du 31 décembre doit être respectée, les formulaires et les procédures de versement de l’argent restent complexes. Notre objectif, grâce à la projection du film d’Antonio Albanese, est d’attirer l’attention sur la question, en bouclant la boucle de l’indemnisation des particuliers et des entreprises. Nous devons apprendre de nos erreurs et repartir à zéro, en essayant de reconstruire le capital dilapidé au cours de cette saison : la confiance et la crédibilité.

Où en est la réflexion sur l’avenir économique et social du Nord-Est ? 

Nous en sommes au début, mais les questions sociales doivent devenir une priorité. Je ne parle pas seulement du crédit, je pense aussi aux questions de pollution qui, dans un territoire comme le nôtre, ont impliqué, par exemple, l’affaire Pfas. Les jeunes, de ce point de vue, ont une sensibilité forte : je pense à l’écologie et à la juste répartition des richesses. En tant qu’Eglise, nous devons nous interroger sur la vie réelle. C’est cela l’esprit évangélique, pas autre chose.

By Nermond

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