ven. Juil 26th, 2024

Dans son nouveau pamphlet, l’ancien syndicaliste Marco Bentivogli s’en prend aux schémas de gestion des entreprises qui continuent à bloquer l’Italie « Le lavage arc-en-ciel cache la subordination des travailleurs ». Il parle (et écrit) de « rage contre ces patrons, managers, patrons et petits patrons » qui ont contribué à faire de l’Italie « un pays avec l’un des taux les plus bas de bonheur et d’implication au travail, comme le certifie Gallup ». Marco Bentivogli, coordinateur national de la start-up civique Base Italia et ancien secrétaire général des métallurgistes de la CISL, lance un nouveau défi culturel dans le monde stagnant des relations de travail avec un pamphlet dont le titre est tout un programme : Sack the bosses – Comment les patrons ont ruiné le travail (Rizzoli, 170 pages, 17 euros).

Bentivogli, qu’est-ce que la nostalgie des vieilles idéologies ? Et qui seraient les patrons à virer ? 

Pas de nostalgie, il est plutôt temps de se tourner vers l’avenir, vers une évolution que beaucoup ne veulent pas voir et voudraient arrêter. Quant aux maîtres, on pourrait répondre à la manière de Forrest Gump « le maître est celui qui fait le maître » ou plutôt qui se comporte comme tel. Ce livre veut ouvrir une discussion sur le pouvoir, à commencer par celui exercé dans les entreprises, dans les relations de travail. Encore avec de vieux schémas qui ne tiennent plus mais qui continuent à rendre difficile et à polluer le rapport au travail. Surtout pour les jeunes, qui auraient plutôt besoin de redécouvrir et de se forger leur propre sens du travail. Au lieu d’accompagner et de guider les transitions, ils ne pensent qu’à leur propre prestige.

Quels vieux schémas ? 

Quatre facteurs concomitants ont aggravé la situation en Italie. Le premier est la persistance obstinée de structures organisationnelles inspirées de la culture patronale hiérarchique, basée sur le « commandement et le contrôle ». Le deuxième (sans généraliser) est l’avènement de ce que le sociologue Alain Deneault a appelé la « médiocratie », c’est-à-dire la prise de pouvoir trop répandue par des dirigeants médiocres. La troisième est le bouleversement de la révolution numérique qui, au lieu de libérer l’espace et le temps, a conduit de nombreux patrons à entrer dans les maisons et souvent même dans la vie des travailleurs. La quatrième, enfin, c’est le narcissisme sénile de patrons enclins à dépenser plus en communication qu’en formation, ne créant que du vide. Mais ce faisant, ils finissent par étouffer la productivité et le « Bien Vivre » (qui est plus que le bien-être) des travailleurs.

Mais comment en sortir ? 

En commençant par éviter ce que j’appelle les le lavage de l’arc-en-ciel, la grande lessive de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, du rose au vert, ou encore le fait de se remplir la bouche de  » Diversité et inclusion ». Car en réalité, sous la bannière d’un néo-paternalisme habillé de termes anglais, ne se cache rien d’autre que le vieil exercice du pouvoir, de la subordination des travailleurs. Au contraire, le respect et la dignité des personnes se construisent dans un lien de réciprocité.

Un nouveau modèle enfin participatif ? 

Certes, la participation est beaucoup plus importante et riche de sens que l’inclusion car elle change les pouvoirs et les cultures. Et c’est d’abord aux entreprises qu’elle doit être recherchée avec le maximum d’efforts, d’abord en cessant de contrôler et de mesurer la productivité uniquement en termes de quantité de biens produits ou d’heures passées au bureau. La poursuite des seuls intérêts des actionnaires conduit à des désastres, nous avons besoin d’une intelligence sociale d’entreprise et les travailleurs doivent impérativement être associés aux processus de décision. Plus généralement, le contrat doit devenir de plus en plus un projet partagé construit sur une relation humaine et non un simple échange de performance horaire contre salaire. Enfin, pour que la centralité de la personne soit réellement concrète – et pas seulement rhétorique – la valeur du care doit être intégrée dans la vie de l’entreprise, qui est avant tout une communauté. Comme l’explique bien Luigino Bruni (également dans Avvenire), doit être intégrée dans le modèle d’entreprise des sociétés.

En ce qui concerne les contrats, sont-ils suffisants ou avons-nous besoin d’un salaire minimum légal ? 

Il y a vingt ans, j’aurais certainement répondu que la négociation est tout à fait suffisante. Mais quelqu’un qui s’occupe de représentation ne peut pas être dogmatique et ne pas regarder l’évolution de la situation du travail. Aujourd’hui, je dis donc que oui, une forme de salaire minimum légal serait nécessaire, car dans le secteur des services en particulier, il n’est plus possible de protéger adéquatement tous les travailleurs et les syndicats ont même du mal à renouveler les contrats nationaux. Ce qu’il faut, c’est un salaire minimum conçu d’une manière un peu plus raffinée que celle imaginée par les oppositions, un salaire minimum qui implique les syndicats et ne nuit pas à la négociation elle-même. Accompagné également d’une loi sur la représentation syndicale.

Jusqu’à présent, vous n’avez pas nommé de patrons à licencier. Je vais essayer d’en suggérer deux : qui devrait être licencié entre l’Etat et Arcelor-Mittal en raison de la crise profonde dans laquelle se trouve l’ex-Ilva ? 

Les deux, certainement. Mais d’abord l’Etat car l’accord de 2018 ayant contribué à provoquer le désastre actuel, de la responsabilité mutuelle que devaient assumer public et privé est né un désengagement mutuel. La suppression du bouclier pénal a donné au partenaire privé un gigantesque alibi pour se désengager. Et l’acier dont l’Italie a besoin, nous l’importons d’Allemagne et de Turquie.

By Nermond

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