lun. Déc 9th, 2024

Rêvons et imaginons qu’il existe un budget mondial qui pourrait dépenser entre 156 et 250 milliards d’euros chaque année pour aider à résoudre les problèmes mondiaux tels que ceux liés à la pauvreté, aux chocs des pandémies et des événements climatiques extrêmes, à l’éducation de base dans le monde, et au soutien des nouvelles naissances pour une démographie responsable (pas comme aujourd’hui où les trois quarts des pays du monde sont dépeuplés et où quelques nations ont encore une démographie explosive). Il peut y avoir des idées différentes sur la manière de dépenser cet argent, mais je suis sûr que si nous l’avions, un dénominateur commun acceptable par tous serait trouvé. Un récent rapport de recherche (Capelle-Blanchard 2023) calcule que ce rêve pourrait devenir réalité si nous étendions le modèle britannique de taxe sur les transactions financières (également appelée taxe Tobin) (le droit de timbre) ou le modèle français à tous les pays du G20.

Le lancement d’une telle initiative serait un grand signe d’espoir par les temps qui courent car, en observant le fonctionnement de notre civilisation mondiale, on doute fort que ce soit la rationalité et non le masochisme ou les instincts suicidaires qui l’emportent. Des milliards sont dépensés dans des guerres inutiles et sanglantes où il ne peut y avoir de vainqueur, la menace climatique qui ne cesse de croître est ignorée de toutes parts ou tentée d’être supprimée, alors que l’attention et les ressources pourraient être concentrées sur les biens publics de la planète. I  e débat sur la taxe sur les transactions financières entre économistes et experts financiers dure depuis des décennies. Plus personne ne pense que « jeter du sable dans l’engrenage des transactions financières » mettra fin à la « mauvaise spéculation ». La stabilité du marché est une question très sérieuse dans un système où les transactions se déroulent à une vitesse supersonique et où l’intelligence artificielle joue un rôle important. Les échecs de la court-termisme (spéculation à très court terme et court-termisme en général), qui peut se traduire par des attaques et des faillites bancaires au moindre signe de faiblesse, doit être traité avec une médecine très forte, c’est-à-dire avec des menaces d’intervention et des interventions des banques centrales, qui heureusement fixent la plupart des règles du jeu et ont donc un pouvoir important sur les spéculateurs. Au final, ce qui compte (c’était aussi le cas dans les récentes crises bancaires qui ont suivi les hausses de taux en Europe et aux États-Unis), c’est un taux d’intérêt de 1,5 %. quoi qu’il en coûte pour que Draghi devienne crédible par des menaces (celle de suspendre les positions à la baisse) ou des actions qui ramènent du monde des cotations instantanées ( mark to market) à celle des valeurs comptables.

Les visions opposées selon lesquelles la taxe sur les transactions financières est une panacée contre la volatilité excessive des marchés, ou un croquemitaine qui peut l’accroître en mettant en crise une place financière qui l’adopte au profit des autres, ont toutes été battues en brèche par les faits. L’une des bourses les plus connues et les plus développées, comme la City anglaise, applique depuis 1694 une taxe Tobin de 0,5 % sur les transactions financières, qui génère environ 4 milliards de livres par an et n’a certainement pas empêché le marché de se développer. Aujourd’hui, il existe des taxes sur les transactions financières, même récemment introduites, dans 17 pays du monde, dont la France depuis 2012 où la taxe sur les transactions de 0,3 % n’a pas eu d’effet redouté sur la liquidité et donc sur le marché des actions. spread entre le prix d’achat et le prix de vente des titres. De nombreuses études sur le sujet confirment que les effets attendus de la taxe sur la liquidité et la volatilité des marchés sont nuls et se limitent, outre les recettes attendues, à une réduction de 20% des transactions.

Les questions relatives à la construction d’une taxe efficace qui évite une fuite des transactions vers d’autres marchés sont désormais résolues. Le modèle anglais, dans lequel les opérateurs, quel que soit leur pays d’origine, doivent payer la taxe s’ils achètent des actions anglaises, est celui qui fonctionne, en évitant les limites des approches dans lesquelles la taxe n’est prélevée que sur les opérateurs financiers de la nationalité du pays qui l’impose. En ce qui concerne l’assiette de la taxe, il existe plusieurs hypothèses, mais celle des actions est la plus crédible en raison de la difficulté d’intervenir sur les marchés dérivés. Dans l’Union européenne, la négociation de la taxe Tobin n’est plus à la mode. Elle est passée de l’idée de l’unanimité des pays à celle de la coopération renforcée (uniquement pour un noyau restreint de 10 Etats membres) mais est dans l’impasse depuis trois ans. Alors, si la question n’est pas d’arrêter la spéculation, et si, à l’inverse, la taxe sur les transactions financières ne nuit pas au bon fonctionnement des marchés financiers, la question redevient celle de la valeur de notre civilisation. Et du scandale d’un système économique extrêmement puissant et capable d’augmenter la valeur de la richesse mondiale créée chaque année, mais dont les mécanismes de distribution sont insuffisants et inacceptables, entretenant des poches d’extrême pauvreté et d’énormes déséquilibres tels que ceux qui indiquent que les 1% des individus les plus riches du monde se sont appropriés 2/3 de la richesse créée depuis Covid jusqu’à aujourd’hui. Des déséquilibres qui ne sont pas seulement de nature économique, mais qui se traduisent également par des différences d’années de vie pouvant aller jusqu’à 25 ans entre les citoyens de São Paulo vivant dans le centre et ceux vivant dans la périphérie.

Comme on le sait, l’une des pseudo-théories formulées pour justifier l’injustifiable est celle du « ruissellement », ou « trickle-down ». ruissellement que le pape François, dans sa critique exprimée en Evangelii Gaudium appelle les « retombées bienveillantes », avertissant que les pauvres attendent depuis toujours les avantages promis et qu’ils sont fatigués d’attendre. Ironiquement, le lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz avertit que l’argent qui devrait couler des poches des riches tout en profitant aux pauvres finit par s’évaporer dans le climat chaud des paradis fiscaux. Le problème des inégalités aujourd’hui, au lieu de se réduire, est aggravé par les caractéristiques mêmes du système économique où, dans la transition écologique et numérique, les processus schumpétériens de destruction créatrice dominent avec la succession de vagues d’innovations qui augmentent la valeur globale créée mais concentrent la richesse entre les mains de ceux qui maîtrisent ces technologies. Les inégalités entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas les compétences nécessaires aux nouvelles technologies se creusent au sein de chaque pays, alimentant une colère sociale qui s’exprime dans l’arène des médias sociaux en alimentant une critique anti-système.

Pour toutes ces raisons, les politiques de redistribution sont la clé de la durabilité sociale de notre avenir proche. C’est pourquoi 70 économistes parmi les plus connus au monde – dont Stiglitz, professeur d’économie à l’Université de Columbia, Jayati Ghosh, professeur d’économie à l’Université du Massachusetts, et Laurence Tubiana, économiste et directrice générale de la Fondation européenne pour le climat – sont revenus à la charge avec une proposition de taxe Tobin dans les pays du G20, qui sera relancée à Paris les 22 et 23 juin lors d’un sommet international organisé par la France et l’Inde en vue d’un nouveau pacte financier mondial. I  avantage serait de disposer chaque année d’un montant énorme de ressources mobilisables immédiatement et collectées dans un délai très court, de manière peu coûteuse et très efficace. La taxe Tobin revient donc à la mode aujourd’hui comme un outil plus rapide et plus efficace de taxation progressive au niveau mondial afin de déployer des ressources et des financements permettant de lutter contre les inégalités non seulement ex post mais aussi ex ante en favorisant l’accès universel à l’éducation et au système de santé. Imaginez qu’il y ait une finance mondiale qui puisse dépenser entre 156 et 250 milliards chaque année pour aider à résoudre les problèmes mondiaux… Epa

By Nermond

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