mer. Avr 24th, 2024

Parfois, en l’espace de quelques secondes, d’instants fugaces et soudains, la vie peut nous changer à jamais sans solution de continuité. De tout à rien, de rien à tout. De l’absolu à l’éphémère, de l’insignifiant à l’universel. Il y a un demi-siècle aujourd’hui, des siècles d’histoire ont été réduits en cendres en l’espace d’un souffle. C’était dans le Patronagedans l’avant-toit d’une Triana avec ses propres racines indivisibles. Le feu dévorant a dévoré sa propre beauté hypnotique. Ce regard s’éteindrait pour toujours dans le tangible, et s’est logé, pour l’éternité, dans la mémoire collective de toute une confrérie, de toute une ville qui s’est réunie autour de la chapelle pour prier, pour pleurer, pour être.

La Virgen del Patrocinio fut brûlée, et d’elle l’empreinte et le noir et blanc restèrent dans les rétines, comme la campagne quand juin avance, comme les prés dans les soleils d’août. Il ne restait que son atmosphère, sa certitude la plus délicate, sa tendresse grave et succincte. Rien ne reste que sa cendre vivante et brûlante dans le cœur du Patronage : de la Vierge et du quartier. Il arrive souvent comme quand on perd une mère : chaque jour nous nous souvenons d’elle.



Ce jour-là, la confrérie d’El Cachorro a écrit un nouveau chapitre de sa très respectable histoire. Ce qui était autrefois une absence s’est à nouveau rempli de beauté. Le Patrocinio est revenu et, depuis lors, toutes nos générations ne peuvent concevoir l’après-midi du Vendredi saint sans l’immense et très personnel cadre du pallium du Patrocinio. Les flammes, incontrôlables à tout moment, voulaient brûler l’alpha et l’oméga. de la Semaine Sainte, le début et la fin de notre credo : le Christ de l’Expiration, le Cachorro de Triana, qui, grâce à l’action presque sauvage et inconsciente de plusieurs voisins, a été épargné d’une issue fatale.

Avec âgé de seulement quelques mois et un dimanche des Rameaux dans l’univers de mon enfance, ils m’ont emmené voir le Cachorro de Triana dans l’Altozano un vendredi saint après-midi. Le site Cachorro était -est- un emblème, une icône. de la Semaine Sainte de ma maison, une Semaine Sainte brève, ponctuelle et fugace. C’était la Semaine Sainte de mes parents qui, du cœur de l’Aljarafe, montaient à Chapina pour attendre la traînée de capirotes noires saignantes qui jalonnaient la calle Castilla. Peut-être, sans le savoir (un mélange de littérature, de fiction, de réalité), ce Vendredi saint allait-il changer ma vie à jamais. Quand Je vois le Cachorro, je ne vois plus mon enfance. et mes premiers souvenirs vagues, mais mon premier contact physique, charnel et réelavec la Semaine Sainte de Séville. Mes premiers yeux ouverts sur l’immensité de ces yeux ouverts aussi sur l’infinité des choses et des cieux que nous atteindrons jamais.

Cet après-midi, lorsque nous attendons le Cachorro dans la rue Castilla, nous devons nous sentir chanceux, comme si nous étions plongés dans le plus absolu des privilèges. Et lorsqu’il nous croise, « levé et offert », la poitrine enflammée, avec un cri sur les lèvres, ses cheveux débridés, ses airs épuisés. et les pulsations vitales arrêtées, il s’agitera en nous la flamme la plus sincère de notre dévouement à la Semaine Sainte de Séville.

Avec Il a commencé ma semaine de Pâques, mon pourquoi, mes circonstances…mon avenir, mon destin. Avec lui, j’ai commencé à croire en son message, en ses silences, en ses doutes, en ce qui nous attend après la mort. Comme Lui-même s’offre à l’au-delà le soir du Vendredi Saint, en traversant le pont, sans que personne ne réponde à ses questions ni ne s’occupe de son dernier moment. Aujourd’hui sort le Cachorro, celui de Triana, celui de toutes nos vies.

By Nermond

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *