ven. Juil 26th, 2024

Le Royaume-Uni se relance dans l’énergie nucléaire. La nouvelle « feuille de route » avec laquelle le gouvernement tente d’éteindre la polémique sur les coûts et les retards des projets déjà approuvés mais pas encore réalisés est un document de soixante-dix pages, présenté le 11 janvier, qui certifie une ambition claire : disposer de centrales atomiques capables de générer au total au moins 24 gigawatts d’électricité d’ici à 2050. Un quart de la demande nationale.

La ministre de la Politique énergétique, Claire Coutinho, a précisé que le plan découle de la nécessité de garantir au pays des ressources « propres », conformément aux objectifs de neutralité carbone confirmés par les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), selon lesquelles, d’après les statistiques du dernier rapport, les énergies renouvelables dépasseront le charbon pour la production d’électricité en 2026. Appuyer sur l’accélérateur du nucléaire, outre-Manche, c’est aussi l’urgence de rendre le pays « indépendant » des crises internationales amplifiées par la guerre en Ukraine.

Le mot d’ordre de la nouvelle ère atomique britannique est « innovation ». Au cœur de la stratégie se trouve une approche différente de l’implantation des centrales : non plus rares et colossales, mais petites et nombreuses. L’idée, en substance, est d’installer des « mini » réacteurs nucléaires n’importe où dans le pays. Des unités modulaires, parfois préfabriquées, qui peuvent être déplacées d’une région à l’autre. Des solutions à faible impact environnemental, qui réduisent le risque d’accident et, détail non négligeable, qui coûtent beaucoup moins cher que les centrales traditionnelles. Des projets similaires sont également en cours de développement en Argentine, au Canada, en Chine, en Russie, en Corée du Sud et aux États-Unis. Cela ne signifie pas pour autant que Londres renonce totalement aux grands projets. L’exécutif de Rishi Sunak étudie la possibilité de construire une centrale entièrement nouvelle (à Wylfa, sur l’île d’Anglesey, ou à Moorside, en Cumbria), d’une taille et d’une capacité similaires à celles des géants « jumeaux » de Hinkley Point, dans le Somerset, et de Sizewell, dans le Suffolk. Deux « cathédrales » inachevées de l’énergie nucléaire planifiées par la société française Edf. Les travaux d’extension de la première, qui sont passés au fil des ans de 20 à 46 milliards de livres sterling, ne verront pas le jour avant 2029 (si tout va bien). Lent et laborieux, fortement contesté par la population locale, est également l’agrandissement du second, approuvé en 2022. Le Premier ministre est déterminé à achever la collecte des investissements privés nécessaires à sa réalisation (environ 20 milliards de livres sterling) dans l’année et, en tout état de cause, avant la fin de la législature. Mardi, il a annoncé une nouvelle injection de fonds publics : 1,3 milliard supplémentaire, destiné notamment à des infrastructures permettant d’accélérer les travaux préliminaires, ce qui porte l’intervention totale de l’État à 2,5 milliards.

La relance ambitieuse de l’énergie nucléaire britannique est complétée par un investissement de 300 millions, partagé avec les entreprises locales, pour produire chez nous ce que l’on appelle le Haleu (High-Assay Low-Enriched Uranium) : de l’uranium enrichi à 20 % (et non à 5 % comme c’est le cas habituellement) afin d’avoir une densité énergétique plus élevée. Il s’agit d’un produit de pointe qui n’est actuellement disponible qu’en Russie et aux États-Unis. Le Royaume-Uni serait ainsi le premier pays d’Europe à pénétrer ce marché de niche. Le gouvernement britannique investit également dix millions d’euros dans des projets portant sur des combustibles alternatifs à l’uranium. Par exemple, à base de thorium. Enfin, des études et des consultations sont prévues sur les moyens innovants de stocker les déchets radioactifs et de nettoyer les anciennes installations. La nouvelle « ère nucléaire », telle est la promesse de Sunak, quadruplera l’offre d’énergie atomique propre, créant ainsi des opportunités d’investissement et d’emploi. Ce dernier point est particulièrement sensible, étant donné les 2 800 licenciements annoncés par la multinationale de l’acier Tata Steel pour l’usine de Port Talbot, dans le cadre d’une transition vers des formes de production plus écologiques. On peut se demander si l’ambitieux projet, présenté comme un prolongement de la vision clairvoyante de Winston Churchill en matière d’énergie nucléaire, parviendra à surmonter le scepticisme de l’opinion publique. Il n’est pas surprenant qu’il ait fait l’objet d’une campagne d’information spécifique : « Tout ce que vous devez savoir » sur l’énergie nucléaire. Le soupçon que ce renouveau est motivé par des intérêts militaires et civils est particulièrement controversé. Une circonstance qui renvoie à un débat déjà vu et entendu en France, que le gouvernement britannique ne s’est pas empressé de démentir cette fois.

By Nermond

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