Le revenu et une bonne organisation sociale sont des facteurs déterminants pour jouir d’une bonne qualité de vie. Mais ils ne suffisent pas, à eux seuls, à donner un sentiment d’accomplissement à l’existence, qui croît au fur et à mesure que la vie de l’individu devient riche en relations, en participation, en générativité. Cette hypothèse est confirmée par le rapport sur le bien-être dans les provinces italiennes, qui sera présenté à Florence le samedi 30 septembre. Dans ce classement, les dix premières places reviennent au centre-nord avec trois grandes villes. Mais à côté de l’indice global, la recherche menée par Leonardo Becchetti, Dalila De Rosa et Roberto Semplici a réalisé cette année une étude spécifique et approfondie sur la satisfaction de la vie des citoyens. Cela peut surprendre, mais les différences entre les deux classements sont très marquées. Dans le « top 10 du bonheur », par exemple, il y a également deux villes du Sud pauvre, alors qu’il n’y a aucune grande ville. Dans plusieurs cas, certaines des provinces en tête du classement national du bien-être sont en queue de peloton en ce qui concerne la satisfaction de la vie. Et une seule des dix premières villes pour la qualité de vie se classe également parmi les dix premières pour la satisfaction de ses habitants.
La recherche apporte de nouvelles preuves à un paradoxe déjà connu dans la littérature économique et sociale. Il s’agit de l’écart apparemment incompréhensible entre la qualité de vie et la satisfaction de la vie, c’est-à-dire entre le bien-être matériel attesté par des indicateurs objectifs et le contentement personnel déclaré par les gens. « Le paradoxe d’Easterlin est bien vivant », écrit Becchetti dans l’introduction, rappelant que le chercheur américain a été l’un des premiers à mettre en évidence ce décalage « en soulignant que la croissance du PIB par habitant aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale s’est accompagnée, après la fin des années 1950, non pas d’une augmentation mais d’une diminution de la proportion d’Américains qui se déclaraient très heureux ». Cette réflexion réfute « l’idée réductrice et superficielle selon laquelle le PIB serait un indicateur suffisant pour mesurer non seulement la croissance économique mais aussi le bonheur d’un pays et de ses citoyens et, en fin de compte, leur bien-être », a ajouté M. Becchetti.
Mais quelles peuvent être les raisons de ce paradoxe ? S’agit-il simplement d’une question de perception de la réalité ou existe-t-il des facteurs plus concrets ? L’hypothèse de recherche est que les relations interpersonnelles et la générativité jouent également un rôle important dans la satisfaction de la vie. Les chercheurs ont comparé différentes variables de la vie relationnelle (par exemple, rencontrer des amis de temps en temps ou tous les jours) et du revenu. Les recherches, menées sur la base de deux bases de données économétriques différentes, ont montré que le passage du niveau le plus bas au niveau le plus élevé de la qualité de la vie relationnelle a trois fois plus d’impact sur la satisfaction de la vie que le passage du niveau le plus bas au niveau le plus élevé du revenu. Les implications de ces résultats ont également une valeur économique, notent les chercheurs. Par exemple, les relations sont également un facteur important pour la réussite des entreprises, car la main-d’œuvre est composée de personnes aux compétences complémentaires qui ont besoin d’établir des relations et de coopérer. Dans le même temps, l’harmonisation de la vie professionnelle et de la vie privée devient de plus en plus importante, et l’on assiste à une évolution vers des formules de travail hybrides qui permettent également de travailler à distance afin de ne pas pénaliser la vie privée.
Pour en revenir au classement, parmi les 10 provinces les plus satisfaites, Sondrio arrive en tête. La Toscane se distingue ensuite (avec Lucques, Livourne, Pise et Sienne). Mais le Piémont, avec Asti et Verbano-Cusio-Ossola, et la Sicile, qui place Agrigente et Caltanissetta, villes qui se trouvent en bas du classement du bien-être, font également bonne figure. Au contraire, trois grandes villes figurent dans les dix premières pour le bien-être, mais aucune métropole n’apparaît dans les 40 premières pour la satisfaction des habitants. Quant aux trois provinces qui excellent dans le classement général, elles dégringolent de la 89e place dans l’autre classement, celui de la satisfaction.