jeu. Avr 18th, 2024

On est lundi. Liés à la routine de la vie, nous évitons la circulation du matin et nous nous occupons de nos engagements et obligations. L’agitation ne laisse aucune place à la réflexion. Par le biais d’une messagerie instantanée, dans un moment d’inattention, un de mes bons amis accomplit son rituel particulier et m’envoie une photographie du Cautivo de Santa Genoveva dans son quartier. « Neuf à emporter », écrit-il. La semaine dernière, dix. La semaine précédente, onze… Et ainsi de suite jusqu’au lundi de Pâques. Il s’agit de notre compte non transférable. Nous ne sommes pas du Tiro, nous ne sommes pas de la confrérie. Nous ne le savions même pas lorsque nous avons commencé à prendre conscience de notre semaine sainte. Nos parents ne nous y ont pas emmenés, et nous n’habitions pas à proximité. Mais nous ne l’avons jamais manqué. Nous ne savons pas pourquoi ; nous n’y avons jamais pensé ou réfléchi. Pour le plaisir, pour la tradition, pour l’amitié pure, pour l’identification personnelle ?

Cette photographie nous sert à tous les deux d’exercice pour revenir à ce que nous vivons chaque lundi de Pâques. Nous n’allons pas l’expliquer, tous ceux qui ont « goûté » (pour paraphraser Lope) au Tiro de Línea lorsque leur confrérie sort le savent. C’est un univers infini. Chaque année, je me force à prendre papier et crayon pour écrire tout ce que j’observe et le transcrire ensuite, mais ensuite, peu avant de monter dans le bus, je me rends compte que je serais injuste envers la vérité. Il n’y a pas de littérature dans une chose aussi sérieuse que le Captif dans la rue.



On peut l’apercevoir au loin. Comme une bannière ouvrant un bataillon ; comme un mât de maître déviant les tempêtes sur le pont des ennuis. Comme s’il s’agissait d’une comète dans les espaces humains, d’une Victoire de Samothrace récupérant un cadre manchot sur les mers de la civilisation. Bref, le Captif, si seul et si plein de nous.

La Captive arrive

Quand il arrive, nous nous installons sur l’une des côtes. Et le reste, c’est la vie elle-même. Les enfants jouent à atteindre le panier, les femmes s’accrochent à quelque miracle, les hommes se tordent le visage et, sérieux, se mordent les lèvres sous les orangers. « Pourquoi l’avez-vous emmené, Seigneur ? » « Paco ! Fais-moi un câlin… » « La fille est grande maintenant ! » « Cette marche est une de celles d’antan, mon frère ! » Les sons Alma de Dios. Linares est un magistère.

Dépassé les limites. Épuisé. Presque vaincu. Mais heureux. El Cautivo avance vers El Porvenir et dans l’imagination des frères, il traverse la ligne de chemin de fer, laissant derrière lui une réalisation infertile de lotissements, d’immeubles et d’avenues. La fraternité est dans la rue. Il y a du vent, la pluie menace. En quelques centaines de mètres, la vie elle-même nous a été révélée. Il reste neuf mètres jusqu’au lundi de Pâques.

Vidéo reproduite avec l’aimable autorisation de Información Cofrade.

By Nermond

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *