sam. Juil 27th, 2024

La guerre déclenchée il y a deux ans par l’invasion de l’Ukraine par la Russie est en train de devenir la ligne de fracture sur laquelle se redéfinit l’opposition entre les blocs dans le monde. Le conflit russo-ukrainien est né en 1991 de la dissolution de l’Union soviétique elle-même. Devenue une république indépendante, se déclarant neutre, l’Ukraine a ensuite consolidé des liens de plus en plus étroits avec l’OTAN et l’Union européenne. Lors des élections présidentielles de 2004, le candidat pro-occidental Viktor Juscenko a émergé, soutenu par la « révolution orange », dans un climat de tension interne fomenté par la Russie elle-même, qui a plutôt soutenu Viktor Janukovyc, finalement élu président en 2010, amorçant immédiatement un glissement de l’axe politique ukrainien vers la Russie. En novembre 2013, cependant, un vaste soulèvement populaire s’est produit contre la politique pro-russe du gouvernement, culminant dans un massacre sur les mêmes places à Kiev le 13 février 2014. La réaction populaire massive a provoqué la démission du président pro-russe.

C’est au cours de ces mêmes journées agitées que des troupes russes « sans drapeau » ont envahi la Crimée, qui a ensuite été annexée à la Fédération de Russie par un acte qui n’a été reconnu par aucun gouvernement au niveau international. Le mois suivant, le 7 avril 2014, une guerre a été déclenchée dans le Donbass par des séparatistes pro-russes, qui ont proclamé la sécession de l’oblast de Doneck de l’Ukraine. Cette guerre « cachée » s’est poursuivie pendant huit ans dans l’indifférence internationale jusqu’au 21 février 2022, date à laquelle la Russie a reconnu la République populaire du Donbass, qui est devenue de facto une république fédérée de la Russie elle-même, reconnue internationalement uniquement par la Syrie et la Corée du Nord. Le 24 février 2022, les troupes russes pénètrent dans le Donbass, marquant ainsi le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine.

Les impacts sur la Méditerranée et plus généralement sur l’Europe de cette guerre sont analysés dans le « Rapport 2023 sur les économies méditerranéennes » de l’Institut d’études méditerranéennes du CNR. Personnellement, je pense que l’impact principal de la guerre en Ukraine réside dans la volonté des dirigeants post-soviétiques de maintenir l’ensemble de l’Occident dans un état d’alarme et de déstabilisation permanent, en prenant l’Europe en otage, afin de retrouver au niveau international un rang de puissance que son économie ne peut plus soutenir. Politiquement, la Fédération de Russie, malgré sa taille, est une économie de taille moyenne, avec un produit brut limité, largement déterminé par la production de pétrole et de gaz, aujourd’hui sans véritable industrie motrice.

Politiquement, l’influence de la Russie sur l’Europe a été considérablement réduite dans les années qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique, avec l’entrée dans l’OTAN des anciens pays socialistes, des républiques baltes qui faisaient autrefois partie de l’Union soviétique, de la Finlande, et avec la demande d’adhésion à l’OTAN de la Suède et de la Finlande, ainsi que de l’Ukraine elle-même. Alors que l’OTAN se rapprochait de ses frontières et que les efforts pour réduire la dépendance de l’Europe à l’égard des combustibles fossiles se multipliaient, la Russie a décidé de jouer la carte de l’invasion directe par ses troupes, après huit ans de guerre par procuration contre les insurgés du Donbass, avec pour résultat immédiat de déstabiliser le marché des hydrocarbures, avec une hausse des prix qui a modifié les positions relatives entre les pays producteurs et consommateurs, même en Méditerranée. En même temps, elle a retrouvé une position internationale, tant vis-à-vis de l’Occident que de la Chine elle-même, qui, avec ce geste de Poutine, doit suivre le pari russe. Pour la Russie de Poutine, la guerre à Gaza et le regain de tension au Moyen-Orient, avec l’ensemble du monde musulman mis en émoi, aujourd’hui exacerbé par les affrontements directs entre les États-Unis et les milices houties, représente l’ouverture d’un nouveau front qui détourne l’attention internationale et l’aide à la résistance ukrainienne, précisément par la crainte d’une extension sans frontières de la guerre.

D’autre part, les institutions internationales elles-mêmes, à commencer par les Nations Unies, semblent impuissantes face à une situation aussi dégradée, dans laquelle, de plus, la Russie elle-même, avec son droit de veto au Conseil de sécurité, bloque systématiquement toute initiative de paix. Les risques sont très élevés et la nécessité de rétablir l’autorité des institutions internationales devient impérative pour retrouver le chemin de la paix, en bloquant des dérives dangereuses aux issues incontrôlables.

By Nermond

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *