M aurizio Gardini, président de Confcooperative, quelles sont les faiblesses et les forces économiques et sociales du pays ?
Le PIB augmente, les indicateurs sont en moyenne positifs. L’emploi augmente, mais pas pour tout le monde. L’économie croît, mais le BES du pays, le bien-être équitable et durable du pays, ne croît pas. Surtout, il n’y a pas de croissance hétérogène et partagée. Trop de personnes et de territoires sont à la traîne. Il s’agit d’une croissance déséquilibrée, avec des difficultés exacerbées par l’inflation, avec un coût de la vie qui devient insoutenable pour des pans de plus en plus larges de la population italienne.
PIB et bien commun ne vont pas toujours de pair et semblent parfois en contradiction, comme aujourd’hui face aux défis de la transition écologique. Comment concilier ces deux aspects ? Pourquoi faut-il une économie civile ?
Les modèles de croissance et de développement doivent être revus. Nous devons placer les personnes au centre et changer de perspective : une personne moins rentable, mais une personne plus employée. Et non l’inverse. Les exemples sont nombreux, trop nombreux, qui nous disent que lorsque l’économie répond avant tout à la seule rémunération du capital, elle accentue les inégalités. La financiarisation des modèles économiques s’accentue, et avec elle l’accentuation des différences. La transition écologique est une ressource, elle va créer de nouvelles opportunités, mais elle va aussi exclure de nombreux travailleurs, c’est pourquoi il faut miser sur la formation pour reconvertir ceux qui risquent d’être exclus du marché du travail. Les grandes transformations, si elles ne sont pas bien guidées, risquent de laisser en héritage le pire.
La question des inégalités économiques s’est imposée ces dernières années dans un contexte de polarisation sociale accrue qui tend également à alimenter le populisme et l’anti-politique. Une dynamique inquiétante, selon vous ? Comment inverser la tendance ?
Les familles en situation de pauvreté absolue sont 1,9 million, elles étaient 800 000 en 2005 : il s’agit de 5,6 millions de personnes. La pauvreté relative, quant à elle, concerne 2,9 millions de ménages et 8,8 millions de personnes. Environ 3 millions de familles vivent dans des conditions de surpeuplement. La situation est dramatique pour les 12 % d’Italiens qui, en 2022, selon le Censis, choisiront de ne pas se faire soigner en raison d’un manque de disponibilité économique, alors qu’ils en ont besoin. D’autres données qui nous obligent à changer de modèle.
Les chiffres de l’emploi ne sont pas négatifs. Mais il y a aussi un problème de qualité du travail, d’emplois qualifiés. Et il y a le problème des salaires, qui sont aujourd’hui particulièrement exposés à l’inflation. Comment intervenir ?
Nous avons 3,8 millions de travailleurs pauvres qui reçoivent un salaire annuel de 6 000 euros ou moins. Ce sont des travailleurs dont les difficultés actuelles seront aggravées par celles de l’avenir avec des pensions très faibles. De plus, nous assistons aujourd’hui à une combinaison d’inflation et de spéculation qui n’aide pas les plus faibles et qui permet aux spéculateurs de faire encore plus de profits. Il faut réduire le coin fiscal et contributif et renforcer les instruments de politique active.
Quelle est votre opinion sur le salaire minimum ?
La solution au problème des bas salaires ne réside pas dans le salaire minimum, mais dans le renforcement de l’instrument contractuel. Plus de 1000 contrats sont déposés au Cnel. C’est une jungle dans laquelle s’abritent des acronymes dont le seul but est de légitimer des contrats avec moins de salaires et moins de droits pour les travailleurs. Les conventions collectives de référence doivent être celles signées par les organisations les plus représentatives.
De nombreux jeunes Italiens partent à l’étranger, attirés par des opportunités d’emploi qu’ils ne trouvent pas dans leur pays, où le travail est souvent précaire et la future pension inconnue. Y a-t-il un problème d’équité entre les générations ?
Dans la tranche d’âge 18-35 ans, nous avons 3,2 millions de Néerlandais. Pas moins de 500 000 jeunes de la tranche d’âge 18-24 ans quittent l’enseignement sans avoir obtenu de qualification. A ces jeunes qui n’ont pas d’emploi, nous devons donner un espoir, un horizon. Il faut leur garantir les outils de formation grâce auxquels ils pourront valoriser leurs talents. Pour ceux, en revanche, qui ont déjà investi dans leur formation, nous avons besoin d’un monde du travail qui sache valoriser les compétences acquises avec des perspectives d’épanouissement personnel et des niveaux de rémunération adéquats. Pour atteindre ces objectifs, nous devons veiller à ce que la productivité moyenne des entreprises italiennes augmente, car elle est encore trop loin de celle des principaux pays européens.